Néanmoins, bien que Guillermo Wille ait toujours cherché à instaurer différentes normes sociales au sein de son entreprise, c’est seulement au milieu des années 90, alors que le marché de l’exportation se resserre considérablement, que cette dernière prend concrètement la forme d’une entreprise sociale.[1] En effet, l’entreprise, au bord de la faillite, est reprise par la fille du fondateur, Martha Wille. Cette dernière, ayant conservé les convictions sociales de son père, choisit de les intégrer aux principes même de l’entreprise. Cela se traduit par la mise en place de politiques sociales novatrices telles que l’équité salariale entre les hommes et les femmes, la permission accordée aux femmes de travailler une heure de moins par jour afin de pouvoir consacrer du temps aux activités familiales, l’accès à des congés de maternité payés, à des programmes éducatifs et à la formation continue.[2] Mentionnons au passage qu’aujourd’hui, les trois quarts des employés de La Coronilla, tant au niveau de la production qu’au niveau administratif, sont des femmes et qu’elles touchent plus que le salaire minimum officiel, en plus de bénéficier d’une couverture sociale étendue (assurance maladie et accidents).

En plus d’être une dirigeante d’entreprise familiale extrêmement soucieuse du bien-être de ses employés, Martha cherche à lutter contre la pauvreté en ayant un impact social positif sur tous les différents acteurs de la chaîne de production. Cela se traduit non seulement par l’achat de matières premières à des prix équitables auprès de producteurs locaux, mais également à travers l’offre d’autres services jugés essentiels au développement des communautés productrices : les paysans peuvent désormais compter sur des débouchés stables, des préfinancements et des prix supérieurs à la moyenne. En même temps, ils disposent, d’une aide lors de l’introduction de l’agriculture biologique et sont conseillés en matière d’assurance qualité.

De la même manière, La Coronilla conçoit des produits finis tout en valorisant les ressources naturelles du pays, menacées par l’importation d’aliments bon marché provenant de pays où l’agriculture est fortement subventionnée par l’État. C’est ainsi qu’au cours des années 90, La Coronilla s’est spécialisée dans la transformation de plantes andines sans gluten telles que le quinoa. Dès 2008, elle utilise le riz biologique d’une organisation paysanne de la région tropicale de Cochabamba, ce qui constitue, pour la Bolivie, une démarche tout à fait novatrice.

Alors que la responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un concept très peu développé en Amérique du sud et encore moins en Bolivie, La Coronilla réussit à se démarquer de ses concurrents et se fait même reconnaître internationalement comme un modèle d’entreprise exemplaire. En 2009, elle obtient la certification fair for life, élément du programme de certification sociale et équitable de l’IMO, un organisme de contrôle et de certification biologique suisse.[3]

Une entreprise porteuse de changements
Au fil des ans, La Coronilla s’est tournée davantage vers l’exportation considérant la faible demande de produits biologiques en Bolivie. La diversification de sa gamme de produits, ainsi que la demande croissante des consommateurs occidentaux pour des aliments riches et sains, ont contribué à l’essor de l’entreprise sur les marchés mondiaux. Aujourd’hui, l’entreprise exporte dans 11 pays en Amérique du Nord, en Europe et en Océanie et la valeur de ses exportations atteint près d’un million de dollars. Si l’entreprise a connu une croissance fulgurante au cours des cinq dernières années, elle bénéficie encore d’une importante marge de progression puisqu’en ce moment, elle n’utilise que 50 % de sa capacité de production. Bonne nouvelle : l’augmentation de sa production devra lui permettre de répartir davantage ses coûts fixes et, par conséquent, d’augmenter sa marge bénéficiaire.[4]

Enfin, celle qui a insufflé à la base sa fibre sociale ne manque pas de projets pour l’avenir de l’entreprise. En outre, suite à une récente entrevue accordée à Fair Street, un organisme spécialisée dans une finance au service de l’écoomie, l’entrepreneure sociale a mentionné vouloir lancer la « Fondation Guillermo Wille ». Cette fondation permettra de répliquer le modèle de La Coronilla en conseillant d’autres entreprises en Bolivie et en les incitants à développer des programmes de responsabilisation sociale des entreprises.[5]

Devant ce projet ambitieux, espérons que d’autres lui emboîteront le pas et contribueront de façon tout aussi significative à la lutte contre la pauvreté, à la sauvegarde de la biodiversité et aux savoir-faire traditionnels des populations andines.



[1] Coronilla : La recette d’une entreprise responsable. 28 juin 2009 – www.fairstreet.org

[2] Hutin, Julien. « Les pop-…quinoa ». Ex Aequo : Journal des Magasins du Monde, n° 19, septembre 2007.

[3] www.claro.ch

[4] Coronilla : La recette d’une entreprise responsable. 28 juin 2009 – www.fairstreet.org

[5] Coronilla : La recette d’une entreprise responsable. 28 juin 2009 – www.fairstreet.org