La mode équitable, une alternative à la "fast fashion" - Association québécoise du commerce équitable
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La mode équitable, une alternative à la « fast fashion »

La mode équitable, une alternative à la « fast fashion »

Le terme «fast fashion» pourrait vous inspirer des articles pas chers qu’on achète pour se faire plaisir, des petits caprices qui ne vident pas votre porte-monnaie. Ou cela pourrait susciter une impression plus négative: celle de vêtements inutiles, de mauvaise qualité et mal ajustés, qui se déforment après quelques lavages, et qui génèrent de gros profits sur le dos des travailleurs.

Mais quelle que soit la manière dont on considère la chose, il est difficile de nier le succès de ce modèle d’affaires. Le renouvellement permanent des stocks vous permet de trouver quelque chose de nouveau et d’abordable presque à chaque fois que vous magasinez. Ainsi, depuis 2004, les ventes de vêtements au Canada ont augmenté à chaque année, atteignant 41,9 milliards de dollars en 2015. Une bonne partie de cette croissance peut être attribuée à la popularité de cette « mode jetable », qui se développe dans un contexte très compétitif pour le commerce de détail en offrant systématiquement des prix bas pour les consommateurs tout en offrant des marges plus élevées pour les compagnies.

Un enfant vend des vêtements au Bangladesh – © JEWEL SAMAD – AFP

Mais l’impact de la « mode jetable » sur l’environnement, ainsi que son coût humain, ont de quoi inquiéter. L’industrie textile est un très gros pollueur avec son utilisation intensive de pesticides et de produits chimiques toxiques, contaminant l’air, le sol et les cours d’eau. Les travailleuses et travailleurs des usines de vêtements sont souvent obligés d’accepter de mauvaises conditions de travail, effectuant de longues heures pour un maigre salaire. Bien que ce problème ne soit pas récent, l’effondrement de l’usine Rana Plaza au Bangladesh en 2013 a provoqué une plus grande sensibilisation des consommateurs. Les appels au changement sont alors entrés dans le discours dominant, et les détaillants ont commencé à promettre de faire mieux.

Désormais, des vedettes apparaissent dans des vêtements éco-responsables lors de grands événements et partagent leurs tenues éthiques sur les médias sociaux. De grands noms comme H & M offrent maintenant des collections durables en édition limitée. Ainsi, même si la « mode jetable » reste le modèle dominant, des tendances nouvelles font leur apparition vers le minimalisme, la consommation consciente, et même le développement personnel grâce à des méthodes d’organisation harmonieuse de votre garde-robe comme la méthode KonMari (voyez par exemple l’essai de cette méthode fait par la québécoise Eve Martel sur son blogue Tellement Swell) ou celle de l’armoire en capsule, un concept développé par l’américaine Caroline Rector sur son blogue Unfancy (en anglais seulement).

Comment définir la mode éthique?

Qu’est-ce qui rend un vêtement durable ou éthique? Il n’y a pas de définition normative pour l’un ou l’autre de ces termes dans l’industrie de la mode, ce qui laisse chaque entreprise avec sa propre conception. De Preloved, une marque qui transforme des tissus vintages en pièces modernes, jusqu’à Encircled, une ligne de mode qui utilise des tissus respectueux de l’environnement, à One Earth, une boutique de vente directe d’accessoires de mode issus de partenariats avec des artisans du monde entier, il existe des alternatives. Les entreprises qui s’identifient comme durables ou éthiques indiquent généralement que leurs produits sont fabriqués dans un souci de réduction de l’exploitation de l’environnement ou des travailleurs, ou des deux. Dans certains cas, ils mettent même en avant une intention claire de produire des articles de qualité et polyvalents afin de réduire le besoin de consommer plus.

Les lignes de produits éthiques et durables ont également tendance à être plus coûteuses. Pour les consommatrices et les consommateurs d’aujourd’hui, le budget est un frein majeur au changement. « Les consommateurs sont encore très motivés par le prix et la sensation de faire une bonne affaire », déclare Jane Gragtmans, la fondatrice de Didi Bahini, une entreprise canadienne importatrice de bijoux et accessoires de mode équitables. Et les statistiques lui donnent raison. Alors que les ventes de vêtements ont augmenté en volume entre 2004 et 2015, leur prix de vente a diminué au cours de la même période.

Qu’en est-il des vêtements certifiés équitables?

Si vous pensez que trouver des vêtements éthiques est en soi un casse-tête, trouver des options certifiées équitables est encore plus difficile. Pour diverses raisons, les petites entreprises qui cherchent à faire leur marque de manière durable vont rarement essayer d’obtenir une certification. Certaines n’ont pas les ressources. D’autres ne se retrouvent tout simplement pas dans le modèle du commerce équitable. Par exemple, recycler des tombées de tissus pour en faire des vêtements en édition limitée ne peut pas être considéré comme du commerce équitable. Mais avec environ 1 million de tonnes de textiles entrant dans des sites d’enfouissement canadiens chaque année, ce type d’entreprises est nécessaire.

Beaucoup d’entreprises de vêtements durables et éthiques respectent réellement les principes du commerce équitable, comme le paiement de salaires décents et le renforcement des capacités de leurs travailleurs pour créer de meilleures alternatives au marché conventionnel. Le problème? Les entreprises qui utilisent l’appellation « commerce équitable » sans être certifiées provoquent une confusion dans l’esprit des consommateurs. Sans certification, le terme manque de transparence et risque d’être galvaudé, même si des entreprises y voient une opportunité.

Pourquoi les entreprises ne cherchent-elles pas à obtenir une certification? Selon Jonit Bookheim, directrice des ventes et de l’impact social chez Mata Traders, un détaillant de mode équitable basé à Chicago, c’est que la certification équitable pour l’habillement est un processus relativement nouveau. « Le commerce équitable était traditionnellement utilisé pour les matières premières, les produits agricoles cultivés et vendus directement », dit-elle. « L’habillement est un produit à valeur ajoutée, où une main-d’œuvre et un traitement supplémentaires doivent avoir lieu avant qu’un article puisse être commercialisé ».

Mata Traders est membre de la Fair Trade Federation (un système de garantie reconnu par le Réseau canadien du commerce équitable et l’Association québécoise du commerce équitable), et Jonit Bookheim a pu expérimenter de façon directe les défis de l’obtention de ce statut. Le nombre d’étapes de transformation et les personnes impliquées dans la fabrication des vêtements rendent le processus exceptionnellement difficile à vérifier. Les fibres doivent être cultivées, traitées et tissées dans un matériau qui est ensuite teint et traité avant d’être coupé et cousu en un produit fini. Chaque étape doit satisfaire aux normes correspondantes pour que le produit final soit considéré comme « équitable ». Le processus de certification du café ou des bananes équitables est, à l’inverse, beaucoup plus direct.

Changer de modèle

En outre, le modèle du commerce équitable va, à certains égards, dans le sens contraire des techniques traditionnelles de production de vêtements. Le commerce équitable vise à redonner du pouvoir aux travailleurs et à favoriser un environnement coopératif où les travailleurs ont leur mot à dire dans la façon dont les choses sont gérées. Une usine de vêtement typique implique des quotas, des heures rigides et une hiérarchie du pouvoir, avec la menace de sanctions si les travailleurs ne s’y conforment pas.

Un modèle de production équitable présente également des défis importants pour les détaillants du secteur de l’habillement, ajoutant des incertitudes qui n’existent pas avec la production conventionnelle. Les petites entreprises ne disposent pas de ressources leur permettant de prévoir avec précision les nouvelles tendances de la mode, et les collectifs avec lesquels elles travaillent peuvent ne pas être habitués à fabriquer des vêtements et des accessoires de style plus occidental, et avoir besoin de formation supplémentaire.

Un pas vers plus de transparence

En fin de compte, l’industrie de la mode est un tel mastodonte que cela rend difficile la mise en place de tout changement majeur. Parce que les grandes entreprises d’habillement s’appuient sur de grands réseaux d’usines et de sous-traitants, elles peuvent facilement se distancier d’une usine dont les pratiques de travail douteuses auraient été révélées au grand jour. Mais si certaines entreprises ont franchi un cap supplémentaire en publiant leurs listes de fournisseurs, plusieurs autres y sont encore réticentes.

L’année dernière, un groupe d’organisations de défense des droits de l’homme et de syndicats ont mis au défi 72 entreprises de vêtements et de chaussures de faire toute la transparence sur leur chaîne d’approvisionnement en partageant les noms de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants. Un récent rapport publié par Human Rights Watch (qui a participé au lancement de cette campagne) indique que sur les 72 entreprises de chaussures et d’habillement qu’ils ont contactées, seulement 17 seraient en bonne voie de respecter les normes de transparence de leur chaîne d’approvisionnement d’ici la fin de 2017. Cependant cet engagement ne favorise qu’un niveau de transparence minimal.

Le nouveau Standard Textile Fairtrade, quant à lui, est plus ambitieux, avec de véritables lignes directrices pour améliorer les salaires et les conditions de travail, ce qui constitue la première étape pour la certification de l’ensemble de la chaîne. Mais l’adoption de ce nouveau standard progresse très lentement, avec seulement une poignée de compagnies européennes actuellement engagées dans le processus.

Une partie de la responsabilité incombe aux consommateurs qui doivent exiger des changements, ce qui suppose une évolution des mentalités et d’en finir avec la culture de la chasse aux bonnes affaires et de la satisfaction immédiate. « Nous encourageons vraiment le grand public à participer, par exemple en contactant les compagnies et en les encourageant à adopter le Standard Textile Fairtrade », explique Shannon Brown, conseillère stratégique senior chez Fairtrade Canada. Un changement dans les goûts et les attentes des consommateurs pourrait pousser l’industrie à s’améliorer beaucoup plus rapidement que si on attendait que les entreprises mettent elles-mêmes volontairement en œuvre des règles d’éthique.

En tant que consommateurs, pouvons-nous apprendre à considérer les vêtements non éthiques et non-durables de la même manière que nous le faisons avec les vêtements que nous trouvons trop chers, en les laissant sur les étagères des magasins? Pouvons-nous apprendre, collectivement, à considérer que la valeur d’un bien ne se résume pas à son prix, mais doit aussi prendre en compte son coût environnemental et humain? Ce n’est que lorsque nous le ferons que la « fast fashion » (ou « mode jetable ») finira par perdre son attrait, et que la mode durable, éthique et équitable pourra prendre toute sa place.

Texte original de Kimberly Leung, auteure indépendante basée à Toronto qui s’intéresse particulièrement à la vie durable et éthique, paru dans Fair Trade Magazine, édition été/automne 2017
Traduit par Loïc de Fabritus


Quelques ressources pour trouver de la mode éthique, écoresponsable et équitable au Québec

  • Ethik BCG est un organisme d’économie social basé à Montréal, qui est a la fois un hub d’éco-design et une boutique de mode éthique.
  • La Gaillarde est une boutique à but non lucratif qui propose une vaste sélection de friperie et de vêtements vintage ainsi que les collections de plus de 50 éco-designers québécois.
  • Oöm ethikwear est une marque québécoise de vêtements éthiques tant au niveau social qu’environnemental, confectionnés par des organismes québécois à vocation sociale et entièrement faits de coton biologique et de tissus écoresponsables.
  • Laundromat est une entreprise canadienne membre de la Fair Trade Federation qui commercialise des vêtements équitables de tricot faits à la main au Népal.
  • Distribution solidaire est une entreprise québécoise membre de la Fair Trade Federation qui commercialise des produits équitables du Pérou, notamment des accessoires de mode en laine d’Alpaga.
  • Les Trouvailles Bil P. Storeman est une entreprise québécoise qui commercialise des accessoires de mode en soie fabriqués par les Artisans d’Angkor, une association cambodgienne membre de la World Fair Trade Organization.

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