01 Oct Fiche produit du mois : Cacao et Sucre
Le cacao et le sucre
L’un d’eux est originaire d’Asie du Sud-Est où, il y a plus de 5000 ans, on retrace la culture de la canne. Sous d’autres constellations, les Toltèques, eux, découvrent un arbre qui offre la « nourriture des dieux »! Les deux denrées entreront respectivement dans le quotidien et la mythologie des peuples Indus et Mésoaméricains. Mais chez les Aztèques, le xocolatl (en langue nahuatl), ce mélange de fèves de cacao grillées, d’eau, de vanille et d’épices, réservé aux plus haut dirigeants de l’empire, était plutôt amer!
Amer comme le commerce de cette fève qui, encore aujourd’hui, est souvent pointé du doigt devant les accusations de travail infantile dans les plantations Ivoiriennes, d’où provient le tiers de la production mondiale. Le sucre ne fait pas meilleure impression, étant l’un des piliers du tragique triangle commercial qui voyait les esclaves africains remplir les bateaux vers l’Amérique et ses nouvelles plantations. Conditions d’esclavage qui se perpétuent encore aujourd’hui dans les bateyes de République Dominicaine où les travailleurs Haïtiens se tuent dans les champs de canne.
Le sucre de canne et le cacao n’ont donc pas été unis avant l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique. Ils ont tous deux marqué l’histoire et sont encore aujourd’hui des incontournables, alors que l’industrie mondiale de la confiserie est évaluée à 147 milliards de dollars annuellement!
Voici quelques éléments qui touchent chacune de ces denrées autant dans le commerce conventionnel que dans son alternative équitable!
Le cacao
Le cacaoyer est un arbre de la famille des sterculiacées, genre Théobroma. Ce terme signifie littéralement « nourriture des dieux ». C’est une plante cauliflore, c’est‑à‑dire, dont les fruits poussent directement sur le tronc ou les rameaux. La graine de cacao contient de la caféine et de la théobromine. Bien qu’originaire du Mexique, le cacaoyer a été introduit dans les Caraïbes, en Amérique du Sud et en Afrique – cette dernière produisant les deux tiers du cacao mondial.
L’économie du cacao est caractérisée par une forte concentration. 80 % du marché du chocolat est contrôlé par six transnationales, dont trois européennes : la britannique Cadbury‑Schweppes, l’italienne Ferrero et le géant suisse Nestlé.
Seuls le Brésil et la Malaisie font du cacao selon le modèle des grandes plantations. À la base, ce sont surtout de petits producteurs et leurs familles qui assurent 90 % de la production mondiale de cacao. Dans des pays africains tels la Côte d’Ivoire (plus grand producteur mondial) et le Ghana, la culture et la commercialisation du cacao constituent la principale activité économique de millions de familles, ce qui rend ces pays extrêmement dépendants des cours de cette denrée.
Le cacao équitable a connu une très forte croissance ces dernières années, passant de 10 000 tonnes métriques en 2008 à plus de 40 000 tonnes métriques en 2011!!! Aussi on compte aujourd’hui 134 organisations de producteurs certifiées par Faitrade International (30 en 2008). Cette spectaculaire augmentation est due à l’arrivée de marques populaires, telle la Dairy Milk de Cadbury, maintenant certifiée équitable, qui soutient « 40 000 cacaoculteurs ghanéens et 6 000 petits producteurs de sucre », selon l’entreprise.
Au Canada, La Siembra, une coopérative de travailleurs basée à Ottawa et sa gamme de produits Camino, offrent non seulement du chocolat équitable et biologique, mais plusieurs de leurs produits sont transformés et emballés dans les pays d’origine, assurant au producteur le développement d’une expertise de transformation et une plus grande partie de la valeur ajoutée. C’est le cas de leur barre de chocolat 32g (Voir la promotion du mois) qui vient du Pérou.
Quelques chiffres :
Commerce conventionnel
Production mondiale : 4.082 million de Tonne métrique
Principaux pays producteurs :
Côte d’Ivoire 30%
Indonésie 20%
Ghana 16%
Nigéria 9%
Cameroun 5.5%
Commerce équitable
Année de certification : 1997 (FLO)
Production équitable : 40 198 tm
Croissance : 14%
Organisations certifiées : 134 organisations de petits producteurs en provenance de 19 pays :
Côte d’Ivoire 41%
Pérou 23%
Ghana 6%
Colombie 6%
Nicaragua 4%
Prix minimum Équitable : 2000 $ / tm
Prime Équitable : 200 $ / tm
Prime Biologique 300 $ / tm
Proportion de biologique : 15%
Le sucre
Le terme « sucre » pris dans son sens large évoque initialement une saveur, mais également un composé alimentaire à la valeur énergétique appréciable, idolâtré des uns et honni des autres, mais qui ne laisse personne indifférent.
Si la famille des saccharides inclut le sucre naturel des fruits et du miel (fructose) ou celui de l’amidon (glucose), c’est le saccharose; une combinaison des deux, extractible en grande quantité de la canne à sucre et de la betterave sucrière, qui est transformé depuis des siècles en sucre commercial. De ces degrés de raffinage ou de mélasse résiduelle seront obtenues les différentes variétés de sucre ‑ complet, roux, blond, blanc, avec leurs avantages et inconvénients alimentaires respectifs. De façon générale, le raffinage se fait au profit du goût, mais aussi au détriment des qualités nutritives, avec une perte notoire de sels minéraux, de potassium, magnésium, calcium, phosphore et fer, tous nécessaires à une bonne métabolisation et qui seront sinon puisés à même les ressources corporelles.
La production mondiale se scinde en deux pôles : au Nord, avec environ 20 % de part du gâteau, l’exploitation de la betterave, avec la France comme plus gros producteur; au Sud, la canne à sucre demeure historiquement la principale source d’approvisionnement, à des coûts environnementaux et humains hélas répréhensibles. Le Brésil et l’Inde produisent à eux seuls 55 % de toute la canne à sucre.
Entre ces deux végétaux géographiquement opposés se dessine une compétition inégale, où protectionnisme et subventions (surtout du côté européen) auront créé, dans les années 1990, une situation de surproduction et de dumping au détriment des prix consentis aux producteurs moins bien nantis au Sud. Depuis 2004, l’OMC arbitre la partie en vue d’un rééquilibrage des forces.
De son côté, le sucre équitable passe souvent « sous le radar » lorsque comparé au café, aux bananes et autres denrées vedettes de la filière ‑ bien qu’il représente, en poids, le deuxième produit en importance du commerce équitable avec 138 000 tonnes. L’ingrédient industriel – grâce notamment au chocolat – pèse évidemment plus dans la balance que la denrée achetée séparément au supermarché.
Le problème est que le sucre ‑ équitable ou non ‑ est persona non grata pour bien des consommateurs soucieux de leur alimentation; si la nicotine équitable existait, elle aurait le même problème de marketing! À défaut de pouvoir inscrire « sans sucre », les entreprises alimentaires évitent de mentionner outre mesure sa présence, passant ainsi souvent sous silence les efforts d’équité dans cette filière.
Au Costa-Rica, CoopeAgri est un moteur de développement pour le comté de Perez Zeledon – programme social, services bancaires, épiceries, protection de l’environnement, médecin de famille, etc. – réunissant 10 000 familles productrices de canne à sucre et de café. Au Paraguay, la coopérative de producteurs de canne à sucre Manduvira a transgressé bien de tabous en transformant elle‑même sa canne à sucre. « En louant notre propre usine, en 2005, nous avons brisé un schéma. Nous avons défié des castes qui se réservaient le privilège de la propriété des usines » explique Andres Gonzalez Aguilera, directeur de la coopérative fondée en 1975. « Grâce au commerce équitable, nous sommes passés de petits producteurs de canne à sucre à producteurs de sucre! »
Quelques chiffres :
Commerce conventionnel
Production mondiale : 1 743 068 525 tm de canne à sucre
Principaux pays producteurs :
Brésil 39%
Inde 16%
Chine 7%
Thaïlande 4%
Pakistan : 3%
Commerce équitable
Année de certification : 1997 (FLO)
Production équitable :
138 308 tm de sucre
Croissance : 9%
Organisations certifiées : 77 organisations de petits producteurs en provenance de 15 pays
Île Maurice 42%
Paraguay 16%
Guyane 10%
Costa Rica 6.5%
Cuba 5%
Prix minimum Équitable : n/d
Prime Équitable : 60 à 80 $ / tm
Prime Biologique : n/d
Proportion de biologique : 12%
Texte et photo : Éric St-Pierre
Légende photo : Francisco Antonio, membre de la Conacado en République Dominicaine, racle ses fèves de cacao équitables et biologiques.
Sources :
Le Tour du Monde Équitable, Éric St-Pierre, Les Éditions de l’Homme, 2010 : www.ericstpierre.ca
FAO : http://faostat.fao.org/
Fairtrade International, 2011-12 Annual report : http://www.fairtrade.net/