19 Déc BAROMETRE 2012 DE LA CONSOMMATION RESPONSABLE
Présenté il y a quelques jours par Protégez-vous, le Baromètre de la consommation responsable 2012 (BCR) nous livre une photographie et des pistes de réflexions sur nos comportements de consommation locale ou citoyenne, de dé-consommation, de recyclage ou de transport durable. L’étude menée par l’Observatoire de la Consommation Responsable fait un état des lieux de ce phénomène depuis 2010 et s’interroge sur son évolution, sur les motivations et sur les profils des consommateurs.
Nous nous sommes intéressés plus particulièrement aux données portant sur le commerce équitable et avons demandé à Fabien Durif, professeur à l’ESG-UQAM et fondateur de l’observatoire de la consommation responsable, de répondre à nos questions :
Christian Guiollot : Les résultats du baromètre de la consommation responsable au Québec semblent assez décourageants : l’indice global stagne, le scepticisme gagne du terrain, les freins sont plus nombreux, etc.
Pourtant dans ce contexte, les achats de produits responsables, notamment issus du commerce équitable continuent à progresser :
43,2% (+ 2,1 pts par rapport à 2010) ont fait l’effort d’acheter des produits d’entreprises offrant des partenariats commerciaux à des petits producteurs;
41,9% (+2,4 pts par rapport à 2010), lorsqu’ils ont eu le choix entre des produits traditionnels et équitables, ont choisi les produits équitables.
Est-ce qu’on peut en conclure que le commerce équitable représente une tendance à l’abri des sautes d’humeur du consommateur ou au contraire ses bases sont-elles encore précaires ?
Fabien Durif : Si on prend les chiffres de l’Indice de la consommation responsable à travers un des comportements, soit la consommation citoyenne, à l’intérieur de laquelle on retrouve le commerce équitable, il est clairement évident que c’est le comportement qui chute le plus depuis 2010, soit – 3.2 points. Notre mesure est un indice global. Donc la consommation citoyenne est en déclin par rapport à d’autres comportements comme le recyclage, le local ou le transport durable qui progressent depuis 2010. Toutefois, comme tu le mentionnes, à l’intérieur de la consommation citoyenne, la partie commerce équitable se positionne mieux.
Ensuite, si on regarde l’évolution de l’augmentation des achats généraux de produits/services responsables, le niveau d’achat de produits/services de commerce équitable continue d’augmenter mais cette croissance diminue.
Christian Guiollot : Dans le top 10 des produits alimentaires responsables connus et appréciés des Québécois, on trouve les légumes équitables pourtant quasi inexistant sur le marché ou encore les épices, là aussi peu présentes.
Comment expliquez-vous ces réponses ?
Fabien Durif : Dans la catégorie « alimentation », une liste de 17 produits est proposée aux répondants. Cette liste se base sur les catégories de produits les plus étudiés dans des études professionnelles internationales comparables sur la consommation responsable, sur les produits utilisés dans des études académiques et sur les nouvelles offres du marché, c’est-à-dire sur l’évolution du marché.
En outre, l’objectif du baromètre est de calculer l’Indice de consommation responsable, les autres questions servent à décrire le marché. Il est évident que si l’on menait une étude spécifique sur le commerce équitable, il serait intéressant de faire énoncer par le consommateur certaines réponses.
Christian Guiollot : À la lecture du BCR, l’impression générale est celle d’une grande confusion dans l’esprit du public au sujet de la consommation responsable en général et du commerce équitable en particulier. En plus de cette confusion, votre étude relève aussi des contradictions entre les intentions, les motivations et les comportements déclarés. Au delà du constat, ne doit-on pas s’interroger sur les causes ? En particulier, ne peut-on pas voir là un déficit en matière d’éducation à la consommation responsable ?
Fabien Durif : Notre étude permet de mettre en évidence et de généraliser, grâce à un échantillon de grande taille et représentatif de la province du Québec, plusieurs problématiques majeures mentionnées dans la littérature scientifique :
(1) la désirabilité sociale : même si nous utilisons la seule variable de contrôle existant présentement (Perceived Consumer Effectiveness) que nous corrélons à notre mesure de la consommation responsable et que nous mesurons des comportements passés d’achats et non des prétentions/attitudes, les consommateurs ont tendance à mieux se présenter qu’ils ne le sont réellement.
(2) l’écart « responsable » : il subsiste un écart relativement important entre les préoccupations environnementales des consommateurs et leurs actions réelles. Les préoccupations environnementales ne peuvent prédire la consommation responsable. À l’heure actuelle, le constat est le même pour toutes les études quantitatives sur la consommation responsable, il semble que le changement d’attitude entre les préoccupations et les motivations et l’achat réel se fasse lors du moment d’achat qu’il soit physique (en magasin) ou électronique. Il est nécessaire de mener une étude qualitative à grande échelle sur les lieux d’achats pour comprendre pourquoi souvent le consommateur ne passe pas réellement à l’action.
(3) le besoin d’information : les consommateurs sont réellement en manque d’information et ils le mentionnent clairement. Le manque d’information général et le manque d’information sur les certifications progressent constamment. D’ici quelques années, le manque d’information se positionnera comme le frein majeur à la consommation responsable devant le prix. Mais la problématique est que les consommateurs ne vont pas forcément chercher l’information. Cela signifie qu’il faut développer des campagnes d’éducation et de sensibilisation accessibles facilement aux citoyens.
Propos de Fabien Durif recueillis par Christian Guiollot du Carrefour de Solidarité Internationale de Sherbrooke.